La mangue bleue de Chevathar est si douce, dit-on, qu'elle vous ôte toute envie de manger du sucre trois jours durant lorsque vous y goûtez. C'est elle qui a fait la réputation de la famille Dorai dans le district, un coin perdu du Kerala au sud-ouest de l'Inde. 1899. Solomon Dorai, un riche propriétaire terrien, patriarche bon chrétien et chef du village de Chevathar, assure la paix de ses administrés en imposant le respect des traditions. Depuis qu'il exerce ses fonctions, la tranquillité de son domaine n'a guère été troublée que par la guerre des Poitrines, dix ans auparavant, ce conflit d'un autre âge marqué par le refus des femmes des castes inférieures de se découvrir la poitrine devant les mâles des castes dominantes. Mais soudain, cette année-là, les tueries reprennent. Cette saga s'ouvre sur la violence et le fracas d'un monde qui meurt. On y suit, pendant trois générations, le destin d'une famille traversée par les soubresauts de l'Histoire, dans un pays en proie aux passions communautaires et sociales à la veille de son indépendance en 1947. La mangue bleue de Chevathar est la meilleure du monde, dit-on encore là-bas. Le lecteur saura pourquoi en refermant ce flamboyant roman où la douleur des hommes le dispute à la saveur d'une Inde belle et blessée comme un fruit cueilli à l'arbre.